Une équipe du programme OLEASTRO du LabEx ARCHIMEDE associant l’Université de Montpellier 3, les Université de Barcelone, de Cordoue et des Îles Baléares, le CNRS ainsi que la Casa de Velázquez (Madrid) vient de publier un témoignage unique de la diffusion de la poésie latine dans une région très rurale de la province romaine de Bétique (Andalousie).

 

L’étude qui vient de paraître dans la revue Journal of Roman Archaeology présente ce document exceptionnel et son contexte de découverte.

Entre les années 30 avant notre ère et le milieu du 3ième siècle, la portion de la vallée du Guadalquivir comprise entre Cordoue et Séville connait un formidable développement économique perceptible par l’apparition de plus d’une centaine d’ateliers de potiers. C’est sur ces ateliers et pendant plus de trois siècles qu’ont été produites les dizaines de millions d’amphores destinées à l’exportation de l’huile d’olive consommée à Rome et dans toute la partie nord occidentale de l’Empire romain.

Dans ces ateliers s’activait une population ouvrière nombreuse dont on estime le degré d’alphabétisation très faible. Un graffite en lettres cursives inscrit dans l’argile fraiche d’une amphore à huile trouvée à Noguera (Hornachuelos-Fuente Palmera) vient contredire ce paradigme unanimement accepté. Cinq lignes d’un vers des Géorgiques de Virgile le célèbre poète latin du Ier s. avant notre ère ont été identifiées. Elles correspondent aux septième et huitième versets du premier livre, écrit dans les années 30 av. notre ère à la demande de Mécène, pour Octavien, le futur empereur Auguste. Ce texte démontre par son caractère strictement littéraire la diffusion de la culture latine et de la poésie là où on l’attendait le moins, c’est-à-dire au sein de l’une des populations rurales les plus laborieuses de l’Empire romain.

 Poeme Virgile copie

Photo, DAO et restitution par I. González Tobar (LabEx Archimède)

La véritable intention de la personne qui l'a écrit est délicate à préciser, mais il semble certain que l’inscription n’était pas destinée à être vue puisqu’elle a été gravée sur la partie inférieure de l’amphore en cours de fabrication. Comme le premier livre des Géorgiques est consacré à l'agriculture et que le graffite a été trouvé dans une zone éminemment rurale, sa dimension pédagogique est envisageable. En effet, de nombreux enfants travaillaient dans les ateliers comme le montrent leurs empreintes de pieds ou de mains laissées dans l’argile fraiche des tuiles ou d’autres objets mis au séchage. On se demande donc si ce document ne serait pas lié à un double exercice d’apprentissage associant mémoire et écriture. Plus simplement, il pourrait aussi relever de la simple envie d’un potier, féru de poésie, de retranscrire ce court mais superbe texte.

Toutes ces considérations amènent à une personne suffisamment alphabétisée pour écrire ou réciter de la poésie, mais avec une orthographe perfectible car elle a fait quelques fautes. Quoi qu'il en soit, le scripteur écrivit de mémoire, pour l’éternité, ce magnifique vers : " La terre a remplacé le gland de Chaonie par l'épi lourd, et versé dans la coupe de l'Achéloüs le jus des grappes par vous découvertes".

La recherche a été réalisée par une équipe de chercheurs rattachés à plusieurs laboratoires et institutions, en particulier :

En France : le LabEx ARCHIMEDE (ANR-11-LABX-0032-01) et le laboratoire « Archéologie des sociétés méditerranéennes » (UMR 5140 – CNRS, Université Paul Valéry Montpellier 3, Ministère de la Culture) de Montpellier.

En Espagne : les Universités de Barcelone, de Cordoue et des Iles Baléares, la Casa de Velázquez (Madrid).

Ces travaux de recherche s’inscrivent dans le projet OLEASTRO (direction Stéphane MAUNÉ) soutenu par le LabEx ARCHIMEDE (ANR-11-LABX-0032-01) qui a également financé le contrat doctoral d’Ivan GONZALEZ TOBAR, par la Casa de Veláquez et par l’Université de Barcelone (contrat post-doctoral I. González Tobar).

Références de l’article scientifique :

DOI : https://doi.org/10.1017/S1047759423000156

Contacts scientifiques

Ivan GONZALEZ TOBAR

PhD-Postdoctoral, Universitat de Barcelona (Post-doctoral researcher Juan de la Cierva)

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Stéphane MAUNÉ

Dir. de Recherche CNRS, UMR 5140 Archéologie des sociétés méditerranéennes et LabEx ARCHIMEDE

Université Paul Valéry Montpellier 3

Campus Saint Charles, F 34199 Montpellier Cedex 5

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