Le site de fouille de Ermant, Egypte

À côté des grands temples édités ou en cours d'édition, de nombreux monuments partiellement conservés attestent de la vitalité des clergés et des théologies thébaines, tant dans les centres principaux que dans les temples périphériques. Le thème de recherche consacré aux théologies thébaines tardives a d’abord intégré le projet épigraphique du temple de Tôd, et se concentre désormais sur l’étude épigraphique et archéologique du site d’Ermant situé à quelques kilomètres au sud de Louqsor.

 

 

 

Responsable : Christophe Thiers (égyptologue, CNRS USR 3172-CFEETK).

Membres de l’équipe : Sébastien Biston-Moulin (égyptologue, CNRS UMR 5140), Pierre Zignani (architecte, UMR 5060-IRAMAT), Lilian Postel (égyptologue, univ. Lumière-Lyon 2), Romain David (céramologue, SFDAS Khartoum), Sandra Lippert (démotisante, CNRS UMR 5140), Hassan el-Amir (restaurateur, IFAO), Émilie Saubestre (photographe, USR 3172-CFEETK), Olivier Onézime et Mohamed Gaber (topographes, IFAO).

 

 

État des lieux

Ancrée profondément dans l’histoire de la ville d’Ermant (l'ancienne Hermonthis) qui a joué un rôle prépondérant dans le développement des théologies thébaines, cette étude vise en premier lieu à analyser l’ensemble des ruines du temple principal du dieu Montou (daté du règne de Ptolémée XII Néos Dionysos, 80-51 av. n. è.) et à inventorier les vestiges disséminés dans la ville. L’étude de la cité antique d’Ermant ne peut se concevoir qu’à l’échelle régionale, c’est-à-dire en étroite relation avec les autres temples du dieu Montou (le « Palladium ») et l’ensemble des théologies thébaines, ce qui implique une indispensable ouverture vers la documentation fournie par les sites voisins.

 

Depuis les fouilles britanniques de l’EES (R. Mond et O.H. Myers) menées dans les années 1930-1940 qui ont mis au jour le Bucheum (catacombes des taureaux sacrés) et les vestiges du temple principal de Montou, aucun véritable travail archéologique n’a été entrepris sur le site. Le projet de la Mission Archéologique des Temples d’Ermant, mené sous les auspices de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, de l’UMR 5140-Université Paul Valéry Montpellier 3 (avec un soutien du LabEx Archimede IA ANR-11-LABX 0032-01) et de l’USR 3172-CFEETK, vise à remettre à l’honneur ce site de première importance, tant sur le plan religieux qu’historique.

 

ErmantFig1Les premiers travaux d’étude des vestiges du temple de Montou-Rê à Ermant ont débuté en 2004 et 2005. Suite à la réalisation d’un plan topographique général, il s’est agi d’entreprendre l’analyse de la plateforme de fondation de l’édifice ptolémaïque et romain, construit sous le règne de Ptolémée XII Néos Dionysos en commençant le dégagement et la fouille de la partie encore ensevelie sous les débris. Parallèlement étaient initiés l’inventaire des blocs épars disséminés sur le site et un programme de restauration et de conservation des vestiges.

 

Les saisons suivantes ont ainsi permis de mieux délimiter l’emprise du temple et d’assurer progressivement un relevé précis, pierre à pierre, de l’ensemble de la plateforme de fondation encore préservée et des vestiges du pylône du Nouvel Empire. Ce long processus a conduit à la publication du plan du temple par P. Zignani et à son analyse dans le cadre plus général de la construction des derniers grands temples égyptiens de Haute Égypte. Le plan tel qu’il peut être appréhendé ainsi que les rapports de proportions sont ainsi étonnamment similaires au célèbre temple de Dendara.

 

La fouille des niveaux de destruction et d’épierrement du temple a également conduit à la découverte de nombreux blocs et éléments statuaires royaux et privés remployés dans les fondations. Ainsi, nombre de pierres appartenant aux temples du Moyen Empire (L. Postel, univ. Lyon 2) et du Nouvel Empire (S. Biston-Moulin, UMR 5140) ont été mis au jour, de même qu’une stèle au nom du souverain Kamosis (fin de la XVIIe dynastie), qui fait écho à trois autres stèles anciennement découvertes à Karnak. Plusieurs blocs aux noms d’empereurs romains jusqu’alors non attestés sur le site ont également été découverts.

 

ErmantFig3La connaissance des pratiques cultuelles dans le temple a été enrichie par la découverte de plusieurs statues privées, dont deux particulièrement atypiques appartenant à des prêtres de Montou et datant de la fin de la XVIIIe dynastie-début XIXe dynastie.

Le dégagement partiel de l’emprise du pronaos et du naos a permis d’observer les niveaux archéologiques atteints lors du creusement des fosses de fondations. Lors des dernières missions, ces niveaux ont révélé la présence de structures en briques crues (murs et probables silos) qui ont été détruites lors de la mise en place des blocs de fondation. Les premières observations céramologiques datent cette occupation de l’Ancien Empire (Ve-VIe dynasties), ce qui constitue un jalon décisif dans l’histoire du site.

 

Les missions successives à Ermant ont ainsi conduit à un renouvellement en profondeur des connaissances sur l’histoire du site, pouvant être ainsi résumé :

- mise en évidence d’une occupation remontant à l’Ancien Empire sous l’emplacement du temple ;

- temple du Moyen Empire en calcaire : étude du plus important ensemble lapidaire au nom d’Amenemhat Ier ;

- transition XVIIe dynastie-début XVIIIe dynastie : pilier d’Ahmosis et découverte d’une stèle de Kamosis ;

- nouveaux éclairages sur les développements architecturaux et théologiques du site au Nouvel Empire : monuments de Thoutmosis III et d’Hatchepsout (martelée) ; têtes colossales royales ; piliers osiriaques de Thoutmosis III et de Séthi II ; statuaire privée de la fin de l’époque amarnienne-début ramesside ; programme de restauration du pylône Nouvel Empire sous Ramsès Ier ;

- nouveaux jalons dans les programmes de décoration du temple ptolémaïque et romain ; attestations nouvelles d’empereurs romains présents sur des blocs épars (Auguste, Néron, Vespasien, Hadrien).

 

Objectifs pour le quinquennal 2017-2021

L’étude d’un site sur la longue durée, de l’Ancien Empire à la période romano-byzantine, c’est-à-dire sur près de trois millénaires, constitue une formidable opportunité pour saisir les évolutions topographiques, architecturales et théologiques d’un temple égyptien majeur de la région thébaine. Les résultats extrêmement stimulants obtenus ces dernières années conduisent à envisager la poursuite de ce programme.

 

 

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S’appuyant sur les champs disciplinaires fondamentaux de l’Égyptologie, les objectifs du programme Ermant se déclinent ainsi :

- archéologie : la poursuite des fouilles permettra une meilleure connaissance de l’histoire d’un temple majeur de Haute-Égypte et du territoire qui l’a accueilli ; les analyses architecturale et céramologiques (de l’Ancien Empire à l’époque byzantine) apporteront des données essentielles sur l’évolution du temple et de ses abords ;

- philologie : les ensembles épigraphiques déjà réunis et ceux qui ne manqueront pas d’être révélés par la poursuite des fouilles assureront la production et l’édition de sources hiéroglyphiques et démotiques inédites (à verser aux études sur l’histoire et les théologies thébaines, la prosopographie….) ;

- l’apport de l’archéologie, de l’analyse architecturale et des données épigraphique conduira à la production de corpus (céramiques, textuels) mais surtout à une meilleure compréhension de l’évolution historique et architecturale du temple et de ses cultes ;

- le projet global d’étude du site d’Ermant est volontairement inscrit dans une dimension géographique, au niveau local mais également au niveau régional, en lien avec les sites voisins de la région thébaine, en particulier Tôd, Karnak et Médamoud, trois autres sites consacrés au dieu Montou-Rê.

- enfin, les recherches épigraphiques et archéologiques sont intimement associées à la préservation et à la mise en valeur du site ; le programme de restauration des blocs épars et des structures en place sera poursuivi, l’accent pouvant être porté sur des projets ponctuels d’anastylose d’ensembles lapidaires.

http://www.ifao.egnet.net/archeologie/ermant/

Rapports en ligne : http://www.montpellier-egyptologie.fr/ermant

Photos des fouilles de novembre 2023 - sous les auspices de l'IFAO et de l'UMR 5140-ASM, en partenariat avec l'UAR 3172-CFEETK et la société Archaios, et le soutien financier du Labex Archimede (ANR-11-LABX-0032-01) et du Fonds Khéops pour l'archéologie :

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Bibliographie récente :

- R. David, « Ermant aux époques byzantine et arabe. L’apport de la céramique », Bulletin de la Céramique Égyptienne 23, 2012, p. 209-217.

- S. Lippert, « Varia demotica d’Hermonthis », BIFAO 115, 2015, p. 231-264.

- L. Postel, « Nouvelles données sur le temple d’Amenemhat Ier à Ermant », Bulletin de la Société Française d'Égyptologie 191-192, 2015, p. 24-38.

- Chr. Thiers, « Hymne à la déesse Tanent et présence latopolite sur quelques blocs d’Ermant », dans Chr. Thiers (éd.), Documents de Théologies Thébaines Tardives (D3T 3), CENiM 13, Montpellier, 2015, p. 295-326.

- Y. Volokhine, P. Sanchez, P. Schubert, « Une dédicace grecque de l’époque impériale tardive trouvée à Hermonthis (Ermant, Haute Égypte) », ZPE 174, 2010, p. 127-132.

- P. Zignani, « L’architecture du temple de Montou à Ermant. Essai d’approche typologique et proportion du plan », BIFAO 114, 2014, p. 589-606.