Le site d'Ambrussum (Hérault)

Fruit de plusieurs décennies de recherches depuis le début XXe s., mais surtout entre 1967 et 2009, sous l’impulsion et le dynamisme de Jean-Luc Fiches, Ambrussum représente un lieu privilégié pour la recherche archéologique. En effet, aucune installation médiévale, moderne ou contemporaine n’est venue s’implanter sur les vestiges ce qui offre aux chercheurs des conditions de travail particulièrement favorables.

Figure 1 : vue aérienne de l’oppidum d’Ambrussum (cliché : V. Lauras)Situé sur la commune de Villetelle (Hérault) au contact de la plaine littorale et des premières collines calcaires, entre basse et moyenne vallée du Vidourle, l’agglomération d’Ambrussum présente trois entités distinctes. L’oppidum occupe la colline du Devès et constitue un point stratégique dominant plaine, arrière-pays et Vidourle dès le Néolithique Final, mais surtout entre la fin du IVe s. av. J.-C. et le milieu du IIe s. ap. J.-C., période d’occupation majeure. En contrebas de la colline, au bord du Vidourle, un quartier spécialisé dans le rôle de relais sur la voie Domitienne est mis en place vers 30/20 av. J.-C. et a fonctionné jusqu’à la fin du IVe s. ou au début du Ve s. ap. J.-C.  Ce dernier est en lien étroit avec le pont Ambroix, permettant le franchissement du fleuve et dont il ne reste qu’une des neuf à onze arches qui constituaient cet ouvrage d’art, troisième entité du site.

Mentionné sur les itinéraires routiers antiques, le nom d’Ambrussum nous est parvenu sous plusieurs formes : AMBRVSSVM et AMBRVSSIO (gobelets de Vicarello), AMBRVSIVM (carte de Peutinger, cité sans vignette), AMBRVSSVM (itinéraire d’Antonin), AMBROSIVM (itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, où la station a alors le statut de mutatio). Le nom d’Ambrussum est également connu sur quatre monnaies en bronze découvertes exclusivement sur le site et qui portent les quatre lettres grecques AMBP. Il s’agit d’une frappe inspirée de certaines émissions massaliotes, datée du dernier quart du IIe s. av. J.-C., et qui renvoie à une origine gallo-grec du toponyme, à savoir Ambroson.

 

Un nouveau programme de recherche dès 2016

 

L’étude menée depuis 2016 trouve sa place dans le cadre de la formation, en Gaule Narbonnaise, du territoire de la cité antique de Nîmes, entre le moment de la publication de la Lex Provinciae dans les années 75-72 av. J.-C. et de l’attributio rapportée par Pline l’ancien, qui se situe entre 22 et 16-13 av. J.-C.

Après la reconnaissance d’une existence juridique et territoriale du peuple des Volques Arècomiques vers 75-72 av. J.- C., attestée par la Lex Provinciae, César accordait vers les années 52-48 av. J.-C., à l’issue de la Guerre des Gaules, le statut de droit latin à l’ensemble des communautés Volques. Ambrussum aurait ainsi bénéficié d’une certaine autonomie, mais cette dernière aurait été de courte durée (26 à 39 ans maximum), en raison d’un rattachement probable à Nîmes à la fin du Ier s. av. J.-C..

Figure 2 : Vue aérienne de la station routière en fin de fouille. Les numéros aux différentes zones (cliché : Christian Hussy)

 

 

 

C’est entre la fin du troisième quart du Ier s. av. J.-C. et le début du Principat d’Auguste, qu’Ambrussum connaît une grande extension dans le quartier-bas, au bord du Vidourle, avec l’installation d’un relais routier et la construction d’un pont permettant le franchissement du Vidourle par la voie Domitienne. Il apparaît que les opérations de remblaiement qui touchent l’ensemble du quartier, associées à une organisation des îlots, calibrée suivant les axes de la centuriation Sextantio-Ambrussum ne peuvent être le fait des habitants eux-mêmes. Elles sont certainement dues à l’initiative d’un pouvoir fort, à savoir l’administration impériale, compte tenu qu’il s’agit d’aménagements qui conditionnaient la circulation sur une via publica.

 

 

 

 

Figure 4 : Salle de réception de la domus antérieure au centre civique (cliché : M. Scrinzi)Figure 5 : Le centre civique en fin de fouille 2019  (cliché : V. Lauras)

 

L’oppidum d’Ambrussum se dote d’équipements à caractère civique entre le troisième quart du Ier s. av. J.-C. et la période augustéenne avec la création d’un bâtiment à colonnade ouvert au nord sur une place, et identifié comme une basilique. Ce type d’édifice correspondait au tribunal mais pouvait également servir de curie et accueillir la chapelle du culte impérial. Si son organisation au sein de la trame urbaine reste méconnue, sa date de création demeure également imprécise. C’est dans ce cadre qu’un nouveau programme de fouilles est mené depuis 2016 au nord de cette basilique, afin de savoir si elle participe d’un forum et si elle a été mise en place quand l’oppidum était indépendant ou après l’attributio. Cela permettrait une première approche des commanditaires de ce centre civique : la population locale ou le pouvoir romain ? Et ainsi mieux appréhender l’évolution du statut de l’agglomération.

 

 

 

Cadre institutionel et financements

Ce programme est réalisé dans le cadre de « l’Association des Amis d’Ambrussum » et s’inscrit dans un axe de recherche du LabEx ARCHIMEDE programme IA- ANR-11-LABX-0032-01 et de l’équipe TeSAM (Territoires et Sociétés de l’Antiquité et du Moyen Age), au sein du laboratoire Archéologie des Sociétés Méditerranéennes – UMR 5140 (CNRS-Montpellier). Il est soutenu par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Occitanie, le Département de l’Hérault, la Région Occitanie, la Communauté de Communes du Pays de Lunel et la Mairie de Lunel.

Présentation de l’équipe

Direction

  • Dr. SCRINZI Maxime (chercheur associé – ASM/UMR5140 ; Mosaïques Archéologie SARL)

Équipe de terrain

  • MATHIEU Véronique (Ingénieure d’Études, ASM-UMR5140/CNRS) : archéologie du bâti
  • MONTÉCINOS Annie (Sète Agglopôle Méditerranée) : responsable de secteur
  • NODOT Vincent (Master II Archéologie des Mondes Antiques – Montpellier III) : responsable de secteur

Études spécialisées

  • CABALLERO Nathalie (Master II Archéologie des Mondes Antiques – Montpellier III) : traitement du mobilier et dessin céramique
  • CONTÉRIO-GARCIA Mélanie (Agent territorial du Patrimoine, Le Préhistorama, Communauté de Communes « Vivre en Cévennes ») : étude du verre
  • Dr. LE BRAZIDEC Marie-Laure (chercheure associée – ASM/UMR5140) : numismatique
  • Dr. MANNIEZ Yves (chargé d'opérations et d'études - INRAP Méditerranée) : étude du petit mobilier
  • MIGNOT Olivier (chercheur associé – ASM/UMR5140 ; Arkémine) : pelle mécanique et collaboration à l’étude des enduits peints
  • Dr. RENAUD Audrey (chercheure associé – ASM/UMR5140 ; Mosaïques Archéologie SARL) : archéozoologie
  • Dr. ROVIRA Nuria (enseignante-chercheure, Université Paul Valéry, Montpellier 3 / ASM-UMR5140/CNRS) : carpologie
  • SANZ-LALIBERTÉ Séverine (Ingénieure d’Études, ASM-UMR5140/CNRS) : topographie et SIG
  • Dr. VAUXION Ophélie (chercheure associée Centre Jean Bérard, USR3133 – CNRS, EFR, Naples) : étude des enduits peints

Bilan des opérations 2016-2019

Les premiers résultats de nos recherches effectuées au nord de la basilique fouillée dans les années 1970, font état d’une domus présumée, toujours en cours de fouille, et établie en terrasse vers 70-30 av. J.-C. Cette dernière comportait une pièce de stockage/boulangerie (?), une cuisine/salle à manger et une pièce de réception au nord. L’opportunité est ainsi donnée d’étudier une domus urbaine pour une période encore peu documentée sur l’oppidum et ainsi de mieux appréhender le processus dit de « romanisation ».

Au même titre que certaines habitations à Nîmes ou Glanum, la domus d’Ambrussum a été démantelée entre 15 av. et 15 ap. J.-C. pour permettre la construction d’un ensemble monumental à caractère public, ce qui pose la question des conditions de ce qui semble être une expropriation : confiscation ou rachat du terrain ? Autres dédommagements ? On ne peut répondre. Dans tous les cas, cet acte, réalisé au préalable de l’édification d’un centre civique, illustre un pouvoir décisionnaire fort, sans doute supérieur à celui des élites locales. La concomitance de ce programme avec celui de la construction de la station routière sur la voie Domitienne, du pont Ambroix et du pavage de la voie principale de l’oppidum, illustrerait une décision impériale comme nous l’avions déjà suggéré. L’analyse fine du chantier de construction et du bâti va dans ce sens puisqu’elle atteste d’un programme conçu et dessiné avant le démarrage du chantier, ce qui milite en faveur de l’intervention d’une équipe, ou du moins d’un personnel de direction du chantier de construction, extérieur à l’agglomération elle-même.

L’édifice public mis en place à la suite d’une importante phase de nivellement, s’organise autour de galeries à portiques délimitées à leurs extrémités est, nord et ouest, par des murs de soutènement. Ces galeries encerclent un espace central qu’il reste à fouiller. Cet ensemble monumental offre une symétrie quasi parfaite avec la basilique, dont les modes de construction tendent à suggérer une antériorité du monument par rapport à celui en cours de fouille, certainement dans la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. Le centre civique a fonctionné jusqu’au premier quart du IIe s. ap. J.-C. après quoi il est abandonné au même titre que le reste de l’oppidum. La fonction de ses différentes composantes reste néanmoins à établir par le biais d’un travail comparatif, en raison des nombreuses phases de récupération de matériaux dès la fin de l’Antiquité, dont il résulte un fort arasement et la destruction des niveaux d’occupation. Néanmoins, la configuration générale du quartier tend à suggérer une basilique civile au sud et une possible area sacra au nord.

L’absence d’indice d’occupation entre le second quart du IIe s. et le début du IVe s., suggère un abandon des lieux qui ne servent qu’au passage des chariots jusqu’au pont Ambroix par le biais de la voie pavée. En effet, rappelons que la voie Domitienne conserve son statut public à la fin de l’Antiquité et que l’itinéraire traversant l’oppidum semble être abandonné à la fin du IIIe s. au plus tard, au profit exclusif du contournement nord par le relais, légèrement plus long. Cette hypothèse est appuyée par la mention de XXXI milles sur la borne de Galère retrouvée à Sextantio (Castelnau-le-Lez) au lieu de XXX milles comme indiqué sur les itinéraires routiers, et par une phase de reconstruction au IVe s. dans l’hôtellerie dédiée au cursus publicus.

C’est durant cette période que le centre civique fait l’objet d’un chantier de récupération de matériaux ayant généré d’épais remblais composés de matériaux de construction, dont des éléments d’architecture et de décors. Ces remblais ont probablement été aménagés pour faciliter le passage des charrettes lors de ce chantier, alors qu’un réaménagement du secteur n’est pas exclu.

Voir la revue de presse (articles, reportages).

 

Objectifs du programme triennal 2019-2021

 

  • Compléter le plan par la poursuite des décapages mécaniques et manuels ;
  • Fouille de l’area sacra présumée et de la galerie occidentale ;
  • Caractériser l’occupation antérieure au centre civique à travers la fenêtre d’étude ouverte dans la galerie orientale.
 

Bibliographie sélective :

  • Berger et al. 2004 : BERGER (J.-F.), FICHES (J.-L.), GAZENBEEK (M.) – La gestion du risque fluvial à Ambrussum durant l’antiquité par les riverains du Vidourle. In, BURNOUF (J.) et LEVEAU (P.) dir. – Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture. Sociétés préindustrielles et milieux fluviaux, lacustres et palustres : pratiques sociales et hydrosystèmes. Actes du colloque PEVS/SEED, 8-10 Avril 2002, Paris, 2004, p. 419-435.
  • Dedet 2012 : DEDET (B.) - Une nécropole du second âge du fer à Ambrussum, Hérault. Bibliothèque d’Archéologie Méditerranéenne et Africaine, 11, éd. Errance, Centre Camille Jullian, Aix-en-Provence, 2012, 282 p.
  • Fiches 1983 : FICHES (J.-L.) – L’occupation préromaine d’Ambrussum après la fouille du secteur IV. Documents d’Archéologie Méridionale, 6, 1983, p. 79-100.
  • Fiches 1986 : FICHES (J.-L.) – Les maisons gallo-romaines d’Ambrussum (Villetelle – Hérault). La fouille du secteur IV, 1976-1980. Documents d’Archéologie Française, 5, éd. de la Maison des sciences de l'homme, Paris, 1986, 138 p.
  • Fiches dir. 1989 : FICHES (J.-L.) dir – L’oppidum d’Ambrussum et son territoire. La fouille du quartier du Sablas (Villetelle, Hérault) 1979-1985. Monographie du CRA n° 2, Paris, 1989, 286 p.
  • Fiches 2007 : FICHES (J.-L.) – Ambrussum, une étape de la voie Domitienne. Les Nouvelles Presses du Languedoc, 2e édition, Montpellier, 2007, 128 p.
  • Fiches dir. 2009 : FICHES (J.-L.) dir. – Une maison des Ier-IIe siècles dans l’agglomération routière d’Ambrussum (Villetelle, Hérault). Fouille de la zone 9 (1995-1999). Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, 26, Lattes, 2009, 370 p.
  • Fiches 2011a : FICHES (J.-L.) – Villetelle, Hérault et Gallargues-le-Montueux, Gard. Pont d’Ambrussum. In, BARRUOL (G.), FICHES (J.-L.), GARMY (P.) – Les ponts routiers en Gaule romaine. Supplément à la Revue Archéologique de Narbonnaise, 41, Montpellier, 2011, p. 293-316.
  • Fiches 2011b : FICHES (J.-L.) – Ambrussum (commune de Villetelle) : quatre décennies de recherches archéologiques. Études héraultaises, 41, 2011, p. 15-28.
  • Fiches dir. 2012 : FICHES (J.-L) dir. – Quatre puits de l’agglomération routière gallo-romaine d’Ambrussum (Villetelle – Hérault), Supplément à la Revue Archéologique de Narbonnaise, 42, Montpellier, 2012, 372 p.
  • Fiches 2016 : FICHES (J.-L.) – À propos de la politique routière de l’état romain. L’apport des fouilles d’Ambrussum (Villetelle – Hérault), in COLLÉONI (F.) dir. – Stations routières en Gaule romaine. Architecture, équipements et fonctions, Supplément à Gallia, 73/1, 2016, p. 13-27.
  • Fiches et al. 1976 : FICHES (J.-L.), FENOUILLET (M.), WUJEK (Ch.) – Sept ans de recherches à Ambrussum, oppidum relais de la voie Domitienne (1968-1974). A.R.A.L.O, Cahier n° 4, Caveirac, 1976, 122 p.
  • Fiches et al. 1979 : FICHES (J.-L.), GUTHERZ (X.), ROUX (J.-Cl.) – Sondage au sommet de la colline d’Ambrussum (Villetelle, Hérault). I. Étude archéologique. Documents d’Archéologie Méridionale, 2, 1979, p. 27-50.
  • Fiches et Mathieu 2002 : FICHES (J.-L.), MATHIEU (V.) – Ambrussum, Villetelle (Hérault). In, FICHES (J.-L.) dir. — Les agglomérations gallo-romaines en Languedoc-Roussillon. Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, 14, Lattes, 2002, p. 521-557.
  • Fiches et al. 2007 : FICHES (J.-L.), BARBERAN (S.), BERDEAUX-LE BRAZIDEC (M.-L.), CHABAL (L.), GAFA (R.), GARDEISEN (A.), GAZENBEEK (M.), MATHIEU (V.), ROVIRA (N.) – Un enclos cultuel sur la berge du Vidourle à Ambrussum (Villetelle, Hérault). Revue Archéologique de Narbonnaise, 40, 2007, p. 47-116.
  • Fiches et al. 2014 : FICHES (J.-L.), AGUSTA-BOULAROT (S.), BESSAC (J.-Cl.), DARDE (D.), MATHIEU (V.) – Nouveau regard sur l’oppidum gallo-romain d’Ambrussum : l’apport de fragments lapidaires méconnus. In, BOUBE (E.), BOUET (A.), COLLEONI (F.) dir. – De Rome à Lugdunum des Convènes : Itinéraires d’un Pyrénéen, par monts et par vaux : hommages offerts à Robert Sablayrolles. Éd. de la Fédération Aquitania, Supplément 31, Ausonius, Mémoires 35, Bordeaux, 2014, p. 67-88.
  • Le Brazidec et Scrinzi 2019 : LE BRAZIDEC (M.-L.), SCRINZI (M.), avec la coll. de BATS (M.) et PY (M.) – Deux nouveaux exemplaires de « l’obole AMBR » découverts sur l’oppidum d’Ambrussum à Villetelle (Hérault) – Bulletin de la Société Française de Numismatique, 74-10, Paris, décembre 2019, p. 346-355.
  • Manniez et al. 1998 : MANNIEZ (Y.), MATHIEU (V.), DEPEYROT (G.) – La récente découverte d'une installation de l'Antiquité tardive sur le site d'Ambrussum (Villetelle, Hérault). 1 - Etude archéologique. Revue Archéologique de Narbonnaise, 31, 1998, p. 193-211.
  • Mathieu 2003 : MATHIEU (V.) – Approche métrologique du quartier central de la station routière d’Ambrussum (Villetelle, Hérault). In, FAVORY (F.) dir. – Métrologie agraire antique et médiévale. Actes de la table-ronde (Avignon, 8-9 décembre 1998). Annales littéraires de l’Université de Besançon, Les Belles Lettres, Paris, 2003, p. 83-104.